Vous connaissez sans doute Charles Fort comme collectionneur encyclopédique et cyclopéen. Il ramassa sur une vingtaine d’années pas loin de 60 000 notes dans des revues savantes et de grands journaux sur des sujets en lien avec des anomalies astronomiques, archéologiques, météorologiques, paléontologiques et autres. Fort désapprouvait que ces discordances soient cavalièrement expliquées ou que les données soient tout bonnement discréditées. Ce qui intéressait Fort, en particulier, c’était les relations que les anomalies pouvaient entretenir entre elles.
Un premier lot de quelque 20 000 notes fut brûlé de la main de Fort. Il pensait se prémunir ainsi des risques d’incendie. Mais il s’était donné au départ une mission qu’il mena finalement à terme, se contentant pour lui-même d’une vie frugale : celle de secouer les fondations de la Science toute-puissante, cette science qui voulait offrir les réponses que la religion ne pouvait formuler. Durant ce changement d’ascendant, la Science voulut imposer ses propres croyances, de sorte que le père de l’insolite donna une voix aux faits damnés et invita le lecteur à cultiver le doute et la curiosité.
Charles Fort brûla également deux romans de science-fiction qui n’intéressèrent aucun éditeur : les romans X et Y. Ces titres parlent d’emblée de l’originalité du personnage qui fut – c’est le constat d’aujourd’hui – un iconoclaste utile. Il n’est rien resté de ces manuscrits, et il appert que notre ami s’est livré à un autodafé non pas par crainte d’un feu dans son appartement du Bronx, mais bien des suites d’une dépression. Heureusement pour lui, LE LIVRE DES DAMNÉS l’a sorti du silence et de l’invisibilité. Théodore Dreiser fut l’un des premiers écrivains à croire en Fort et il fit pression auprès de son propre éditeur Boni and Liveright pour que ce livre soit publié.
Vous trouverez dans la rubrique de ce site intitulée «Ses œuvres» une place réservée aux nouvelles écrites par Fort lorsqu’il était encore jeune et tentait de vivre de sa plume. L’humour semble avoir toujours teinté sa conception du monde, un monde qu’il n’hésitait pas à qualifier d’absurde. «Dieu est un pitre», a-t-il écrit dans LO! LE SECOND LIVRE DES DAMNÉS, en esquissant un sourire en coin.
Voici donc à lire pour la première fois en français la nouvelle VOL À LA TIGE.