Page 10 - Un grand principe humain
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Un grand principe humain 8
votre mari et de vos oignons, vous n’avez pas
de lȩon ̀ donner.
Les portes des premier, deuxìme et troi-
sìme ́tages se referm̀rent dans un grand
fracas. Par l’embrasure de sa fen̂tre, madame
Boyle surveillait la voisine du premier palier,
de son ĉt́, madame Ryan ́piait dehors
par intervalles, s’́gosillant avec amertume.
Madame Cassidy se contenta de geindre, les
yeux riv́s sur les cordes ̀ linge de la cour.
De l’autre ĉt́ de la ruelle, un vieil homme
se planta ̀ la fen̂tre de la maison oppośe,
mais les trois femmes ne le remarqùrent pas,
tant elles voyaient rouge. Le vieil homme pla̧a
son violon sous son menton et se mit ̀ jouer
une berceuse au milieu de la guerre. Les
attaques cess̀rent, les accusations se turent.
Madame Ryan se mit ̀ valser avec son balai
dans la cuisine; madame Cassidy, le visage
toujours impassible, entama une gigue;
madame Boyle frappa des mains et tangua de
son corps volumineux.
D̀s que du grabuge surgissait dans le
voisinage, le violoniste aux cheveux blancs
avait coutume de jouer. « Ah, pommes de terre
et poisson, ̧a c’est bon!» Le quartier se
nourrissait de musique. « C’est une belle
chanson d’hier, je vous le dis! » C’́tait le cas.

